Le pèlerinage à La Mecque s’ouvre sous haute tension
Le Monde | 09.09.2016 à 11h49 • Mis à jour le
09.09.2016 à 15h23
Près d’un million et demi de fidèles ont afflué à
La Mecque (Arabie
saoudite), jeudi 8 septembre, pour accomplir
le pèlerinage (le hadj, en
arabe), qui se déroule du 10 au 14 septembre. Mais cette édition 2016 du
pèlerinage, qui verra affluer
plus de deux millions de personnes, a lieu dans une ambiance très pesante.
La ville sainte est en effet encore marquée par le
mouvement de foule meurtrier qui a coûté la vie à près de 2 400 personnes
en 2015, selon un décompte établi par l’agence Associated Press, qui s’est
appuyée sur des chiffres publiés par les gouvernements des pays d’origine des
victimes. L’Arabie saoudite parle plutôt de près de 800 victimes. Cette
tragédie marque encore les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran, pays qui en a payé le plus lourd tribut.
Et même si des mesures de sécurité ont été mises en
place, les Iraniens ne pourront pas participer au pèlerinage, un des cinq piliers de l’islam, faute d’accord trouvé avec l’Arabie
saoudite. Une première depuis trente ans.
- Passe d’armes violente entre l’Iran et l’Arabie saoudite
L’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême iranien
chiite, a reçu mercredi les familles des 464 pèlerins iraniens morts il y a un
an. Il en a profité pour lancer une charge violente contre son ennemi, l’Arabie
saoudite sunnite.
« Cette catastrophe montre une nouvelle fois que
cette descendance maudite maléfique ne mérite pas de gérer
les lieux
saints » de l’islam, a-t-il ainsi dénoncé. « Le monde musulman, aussi bien les gouvernements que
les peuples, doit connaître
les dirigeants saoudiens et leur nature irrévérencieuse, non croyante et
dépendante (…) et réfléchir
sérieusement à la gestion des lieux saints. Sinon le monde musulman sera confronté à des problèmes
plus grands », avait-il déjà lancé lundi.
Lire aussi : Bisbilles entre Téhéran et Riyad avant le hadj
L’Iran « ne pardonnera jamais pour le sang
versé de ces martyrs », a également déclaré mercredi le président
iranien, Hassan Rohani. Les deux plus hauts responsables iraniens reprochent
notamment aux dirigeants saoudiens de n’avoir jamais présenté d’« excuses »
pour les morts de la catastrophe et de refuser « d’autoriser une
commission d’enquête
islamique internationale ».
En réponse, les monarchies arabes sunnites du Golfe,
dont l’Arabie saoudite est le chef de file, ont condamné dans la foulée ces
déclarations. Les propos « inappropriés et offensants » d’Ali
Khamenei sont « une claire incitation et une tentative désespérée de politiser
le rite » du hadj, a ainsi dénoncé mercredi le secrétaire général du
Conseil de coopération
du Golfe, Abdellatif Zayani. Et le grand mufti saoudien, cheikh Abdel Aziz
al-Cheikh, a de son côté affirmé que les Iraniens « ne sont pas des
musulmans ».
Cette violente passe d’armes intervient alors qu’en
mai, l’Iran avait fait savoir
que les Iraniens ne pourraient pas se rendre
à La Mecque cette année, invoquant la mauvaise volonté du gouvernement
saoudien. Les négociations entre les deux pays ont notamment échoué en raison
de l’absence d’indemnisation pour les proches des Iraniens ayant péri dans le
mouvement de foule de 2015.
Le ministre saoudien des affaires
étrangères, Adel Al-Jubeir, avait affirmé que l’Iran avait posé des
conditions « inacceptables » à la participation de ses
ressortissants cette année. Les négociations ont également échoué en raison de
divergences sur la sécurité.
Vendredi, plusieurs milliers d’Iraniens sont descendus
dans les rues de Téhéran, après la prière hebdomadaire, pour protester
contre leur exclusion
du hadj. Les manifestants scandaient des slogans et portaient des pancartes
hostiles aux dirigeants saoudiens.
- Sécurité renforcée après une édition 2015 sanglante
C’était la tragédie la plus meurtrière depuis
vingt-cinq ans pour le pèlerinage de La Mecque. La rencontre entre deux
flux de pèlerins, l’un quittant le site de Jamarait, l’autre arrivant en sens
inverse le long d’une rue de douze mètres de large, a provoqué une catastrophe
au bilan extrêmement lourd.
Le surnombre de fidèles, qui accèdent au site par des
tunnels et des voies suspendues, a souvent engendré des accidents.
En 2006, plus de 360 pèlerins avaient péri dans une bousculade. Et
en 1990, 1 426 personnes sont mortes asphyxiées et piétinées.
Pour éviter
de nouveaux mouvements de foules funestes, l’Arabie saoudite a renforcé ses
mesures de sécurité. Les pèlerins seront ainsi équipés d’un bracelet
électronique, qui contiendra notamment leurs données médicales, la date
d’entrée dans le royaume ou encore le numéro du passeport. Huit cents caméras
supplémentaires ont également été installées pour surveiller les personnes présentes autour de la Grande Mosquée.
Pour tenter
d’éviter de nouvelles bousculades, les horaires du rituel de la lapidation de
Satan ont été modifiés et ont été réduits de 12 heures. Le site de
lapidation a également été aménagé avec la mise en place de ponts pour fluidifier la circulation.
- Le pèlerinage à La Mecque, un des cinq piliers de l’islam
Le hadj se tient une fois par an au début du mois
lunaire musulman dhou al-hajja, à la veille de la fête du sacrifice. C’est l’un
des cinq piliers de l’islam que tout fidèle est censé accomplir au moins une
fois dans sa vie s’il en a les moyens. Et il comporte plusieurs étapes
codifiées :
- Ihram : pour le fidèle, le pèlerinage commence par la proclamation de son intention d’effectuer ce rite spirituel. Quand il arrive dans un périmètre fixé autour de La Mecque, il doit être purifié et ne doit porter que des pièces de tissu blanc. Les croyants, durant cette période, ne doivent pas se parfumer, ni se couper les cheveux ou les ongles. Ils doivent également s’abstenir de toute querelle et de toute relation sexuelle.
- Tawaf : à son arrivée à La Mecque, le pèlerin fait sept fois le tour de la Kaaba, autour de laquelle a été construite la Grande Mosquée. S’il le peut, il touche et embrasse la pierre noire incrustée dans l’un des coins de la Kaaba.
- Sa’i : le fidèle doit ensuite faire à sept reprises le chemin entre Safa et Marwa, distants de 400 mètres et proches de la Grande Mosquée, sur les pas de Hajar, épouse du prophète Abraham. Selon la tradition, elle avait couru entre ces deux lieux pour chercher de l’eau à son fils, le prophète Ismaïl.
A la tombée de la nuit, les pèlerins se rendent sur la
plaine de Mouzdalifa pour se préparer
le lendemain à l’Aïd al-Adha, qui consiste à immoler
une bête en mémoire d’Abraham. Les fidèles se consacrent ensuite à la
lapidation des stèles représentant Satan, à Mina. Et le pèlerinage se termine
par de nouvelles circonvolutions autour de la Kaaba.
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