Boston : des américaines converties à l’islam parlent en plein emballement médiatique
Au-delà
de la révélation de l’identité et de la confession religieuse des
frères Tsarnaev, les poseurs de bombe présumés de Boston, c’est le
dévoilement de l’islamité de la veuve de l’aîné des deux qui est en
train d’alimenter toutes les conversations, de faire les manchettes des
gazettes, nourrissant des débats télévisuels riches en anathèmes, dans
un climat social propice à la réactivation des plus noirs préjugés
islamophobes.
Dans une Amérique fortement commotionnée par ce
nouvel attentat meurtrier sur son sol, la personnalité de Katherine
Russell, cette américaine de 24 ans, fille d’un médecin de la
Nouvelle-Angleterre, et convertie à l’islam en s’unissant au défunt
Tamerlan Tsarnaev, a été violemment jetée en pâture par des médias
redoutablement intrusifs, qui en ont fait la paria la plus célèbre des
Etats-Unis.
Nul besoin d’être grand clerc pour avoir pressenti
la mise au ban de la société de cette mère d’une petite fille de 3 ans,
au sujet de laquelle les rumeurs les plus folles vont bon train.
Katherine Russell a été forcée d’embrasser
l’islam, elle a été contrainte de se voiler, elle était sous la
domination de son mari, contrôlée par lui, elle n’était pas libre de ses
faits et gestes, telles sont les certitudes, pleines d’a priori
négatifs, assénées à tous les micros par de parfaits inconnus ou de
soi-disant anciennes connaissances de la jeune femme.
Pour Lauren Schreiber, 26 ans, coordinatrice
d’événements pour le Conseil américano-islamique (CAIR), qui a choisi de
répondre à l’appel de l’islam en 2010, après un voyage d’études en
Afrique de l’Ouest, cet emballement médiatique était hélas prévisible : "A partir du moment où vous portez le hijab, les gens considèrent que l’on vous a confisqué votre liberté de femme", a-t-elle déclaré à NBC News, poursuivant : "A titre personnel, personne ne m’a obligée à me voiler, j’ai pris la décision seule, et je suis heureuse ainsi depuis".
Ce point de vue est partagé par de nombreuses
autres coreligionnaires américaines, souvent nées dans des familles
chrétiennes, qui ont suivi le même cheminement intime. Rebecca Minor est
une institutrice de 28 ans, résidant dans le Connecticut, qui s’est
tournée vers l’islam il y a cinq ans de cela : "Quand mes jeunes
élèves m’interrogent sur mon foulard, je leur réponds qu’il est
essentiel pour moi et qu’il symbolise des valeurs éthiques profondes", a-t-elle expliqué.
Les clichés sur l’islam ont la vie dure et les
jugements de valeur sur un machisme musulman tyrannique remontent à la
surface avec une violence redoublée, comme le déplore vivement Lindsey
Faraj, 26 ans, issue d’un foyer catholique, et mariée à un Syrien : "On
n’arrête pas de me dire vous avez dû être obligée de vous convertir
pour l’épouser, mais pire encore, j’entends souvent des réflexions
telles que le musulman peut battre son épouse, la femme ne peut pas
obtenir le divorce, tout cela est faux. Dans la rue, il m’est arrivée
d’être apostrophée aux cris de « rentre chez toi ! », alors que je suis
américaine et blanche".
Selon les études menées par le très sérieux Pew
Research Center, les Etats-Unis comptaient 1,8 millions de musulmans
américains en 2011, dont 20% étaient des convertis. Parmi ceux-là,
environ 54% étaient des hommes et 46% des femmes. Environ 1 converti(e)
sur 5 invoque des raisons familiales, y compris une union avec un
musulman, pour justifier son choix confessionnel.
Lauren Schreiber, Rebecca Minor, Lindsey Faraj,
trois américaines dites de souche, trois mêmes élans spirituels
irrépressibles qui les ont conduites à se voiler, en leur âme et
conscience, sans aucune influence extérieure, trois jeunes femmes qui
sont aujourd’hui résolues à faire entendre leur voix au-dessus du
tintamarre médiatique qui jette l’opprobre sur Katherine Russell.
"Je veux juste que les gens sachent qu'il y a
des femmes musulmanes américaines qui portent le hijab par choix, et non
pas parce que quelqu'un leur a imposé de le faire", a insisté
Lauren Schreiber, tout en étant pleinement consciente du défi qui
l'attend, à l'aune des conséquences désastreuses de l’attentat de Boston
sur les mentalités.
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